JASMIN, UNE AUTRE SYRIE

Edition 3
Oct/Nov/Déc 2016

Jasmin, Une Autre Syrie
Revue trimestrielle


En ces temps troublés, il nous a paru indispensable d’offrir une autre vision de la Syrie à travers sa culture et la création artistique de ses artistes.

Jasmin, Une Autre Syrie est née de la rencontre de personnes venant d’horizons et de cultures différents : Français, Franco-Syriens et Syriens, désireux de manifester ainsi leur solidarité avec la Syrie et ses habitants.

L’accent sera mis sur les œuvres artistiques des artistes syriens, de l’histoire de la Syrie ( ainsi que ses liens avec la France ), sa littérature et poésie, sa diversité et  richesse culturelles.

Jasmin, Une Autre Syrie se veut être une passerelle entre deux langues, deux cultures, deux mondes.

Cette revue au financement indépendant et à but non lucratif  paraîtra trimestriellement en ligne sur notre site Web syriaartasso.com, et annuellement en édition papier. Elle sera éditée partiellement en langues française et anglaise.

 


L’Art Contemporain Syrien : Une Evolution de 70 Ans

Texte par Khaled Youssef
Traduction de l’anglais par Danii Kessjan

La Syrie est située au Moyen-Orient sur la côte méditerranéenne et est bordée, du nord vers l’ouest, par la Turquie, l’Irak, la Jordanie, la Palestine / Israël et le Liban.

En 2009, la population était estimée à 23 millions d’habitants : env. 11 560 personnes de sexe masculin et 11 440 de sexe féminin. La Syrie abrite des groupes ethniques divers, dont des Arabes Syriens (provenant de diverses origines ancestrales), des Grecs, des Arméniens, des Assyriens, des Kurdes, des Circassiens et des Turcs, et des groupes religieux divers, y compris sunnites, chiites, alaouites, druzes, ismaéliens, yazides et chrétiens (orthodoxes et catholiques).

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La superficie de la Syrie couvre 185 000 km2. C’est un pays de plaines, de montagnes et de déserts qui autrefois était aussi une terre d’exil : les Arméniens et les Assyriens ont échappé au génocide chrétien du début du XXe siècle pour devenir partie intégrante de la société syrienne. Les migrants sont arrivés en 1948 et 1967. Plus d’un million d’Irakiens ont échappé à la Seconde Guerre du Golfe et se sont installés en Syrie.

La Syrie est l’une des régions habitées les plus anciennes au monde avec des trouvailles archéologiques près d’Alep remontant à 700 000 ans (La grotte Dederiyeh). La première preuve de la présence de l’Homme moderne apparaît il y a env. 100 000 ans.

Au début de son histoire écrite, la région était connue sous le nom d’Eber Nari (« de l’autre côté de la rivière ») par les Mésopotamiens et comprenait la Syrie contemporaine, le Liban et la Palestine/Israël (collectivement appelés « Levant »).

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A Mari, la découverte d’une statue de basalte du roi Ishtup-Ilum, env. 2 100 av. J.-C.

Le nom moderne de la Syrie est censé, selon certains savants, avoir dérivé de l’habitude d’Hérodote de se référer à l’ensemble de la Mésopotamie en tant qu’« Assyrie », qui vient de l’akkadien « Achur », qui désigne la principale divinité assyrienne.

Les premières colonisations dans la région, comme Tell Brak, remontent à au moins 6 000 av. J.-C. Les deux villes les plus importantes de la Syrie ancienne étaient Mari et Ebla (Mari au 5ème et Ebla dans le 3ème millénaire av. J.-C.).

Il existe de nombreuses périodes de domination des régions syriennes depuis le début de l’histoire connue : les Akkadiens, les Hittites, les Egyptiens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Croisés chrétiens, les Turcs ottomans et enfin les Français jusqu’à l’indépendance du Mandat français en 1946. Beaucoup de civilisations, entre les plus anciennes et les plus créatives, ont été bâties dans le Levant : akkadienne, phénicienne, sumérienne, assyrienne, amorite et araméenne. La langue araméenne était la langue la plus parlée dans la région entre 1500 av. J.-C. et le 7ème siècle quand les Arabes sont arrivés, ce qui est la raison pour laquelle c’était la langue de Jésus-Christ. Maaloula, un village chrétien près de Damas, qui est depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui une source inépuisable d’inspiration pour les peintres, est le seul endroit au monde où l’araméen est encore parlé.

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« Maaloula » par Louay Kayyali, 1968                         

Damas et Alep, les deux plus grandes villes de Syrie, sont parmi les plus anciennes villes dans le monde qui ont été continuellement habitées.

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Palais Azm, Damas

Il est vraiment difficile de mentionner toutes les contributions culturelles de la Syrie à l’humanité au cours de l’histoire. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir et de domination, même si la Syrie a donné à Rome 4 empereurs, et il ne s’agit pas seulement de religion, même si tous les dieux ont été créés dans notre pays, et Saint Paul prétendait avoir une vision de Jésus sur le chemin de Damas.

Souvenons-nous, par exemple, que le premier alphabet de 30 lettres a été créé à Ugarit au 14ème siècle av. J.-C., plus de trois siècles avant l’alphabet de Byblos (dans le Liban actuel) où il a été distribué en Europe.

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Citadelle d’Alep

Apollodore de Damas : l’architecte et créateur de la colonne de Traiano (Trajan) au 2ème siècle que vous pouvez voir à Rome de nos jours.

Des églises comme « Saint-Siméon le Stylite » sont la référence d’architecture pour toutes les églises byzantines, et la mosquée des Omeyyades à Damas est l’archétype de toutes les mosquées du monde jusqu’à nos jours.

Eglise Saint-Siméon et  mosquée des Omeyyades

Ainsi, l’histoire de la Syrie n’a jamais été déconnectée de l’art et de la création, et son histoire a inspiré l’art syrien contemporain.

Pendant des siècles, l’art en Syrie a été restreint par la religion, puisque dans l’Islam il n’est pas permis de dessiner les figures d’un être humain ou d’un animal ; pour les musulmans, l’esprit créateur étant concentré dans la géométrie sacrée et la calligraphie, et pour les chrétiens, dans les icônes religieuses. Si d’autres créations ont été autorisées et prospères pendant de nombreux siècles dans la civilisation islamique, comme l’astronomie, la médecine et la philosophie, l’occupation ottomane commençant en 1516 qui dura plus de 4 siècles a anéanti toute créativité dans les zones sous son contrôle, et a imposé une vision religieuse stricte au Moyen-Orient, interdisant toute sorte de réflexions philosophiques sur la vie et supprimant toute sorte d’évolution possible, sauf dans l’architecture des mosquées et des palais.

1) Damas – 2) Icône orthodoxe syrienne

En 1917, la « Révolution Arabe » pouvait mettre fin à l’occupation turque, aidée par l’Angleterre et la France. Cependant, cette soi-disant « aide » était une pure tromperie visant à coloniser tout le Moyen-Orient, à travers une nouvelle stratégie appelée « protectorat » : l’Angleterre et la France se partagèrent la domination du Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale. Ce n’était nullement un acte de générosité, mais un subterfuge. La Syrie a été libérée de la colonisation ottomane en 1918 et a essayé de lutter pour son indépendance en refusant l’autorité française, mais après le bombardement de Damas par le général Gouraud en juillet 1920, tuant un grand nombre de ressortissants syriens essayant de se battre avec des épées et de simples armes, le gouvernement de Damas a dû s’incliner devant la domination de l’armée française sophistiquée.

Le général Youssef Al Azmeh, tué alors qu’il commandait les forces syriennes contre l’invasion française

Pourtant, l’armée coloniale française a eu besoin de trois ans pour prendre le contrôle de l’ensemble des territoires syriens, puisque la résistance des Alaouites et des Druzes était très forte à Alep et dans les zones de montagne. Cependant, cette domination a duré jusqu’au 14 avril 1946, lorsque le dernier soldat français a quitté le pays, et après de nombreuses révolutions importantes contre l’occupation, la Syrie est devenue une république indépendante.

En dépit de l’ère tourmentée du Mandat français, cette période a eu une énorme influence sur l’évolution artistique syrienne. Les artistes syriens ne voulaient pas seulement la liberté politique, mais étaient aussi désireux de montrer leur capacité à évoluer et à créer.

La Syrie a été visitée par un grand nombre d’Européens pendant cette période : archéologues, artistes, poètes et tous les aventuriers et amateurs d’histoire et de culture qui entretenaient des contacts avec des artistes syriens et on eu une influence sur eux. Les Français et les Européens se sentaient attirés par la culture du Moyen-Orient, la beauté des traditions et l’artisanat. A cette époque, de nombreux Syriens ont commencé à voyager en Europe. Influencés par les nombreux courants et mouvements artistiques parallèles des époques européennes, les artistes syriens sont devenus enthousiastes pour créer de l’art, mais en s’appropriant l’éventail diversifié  d’inspiration de leur patrie. Parallèlement à ces influences artistiques, ils ont voulu explorer les gloires et les histoires traditionnelles en dessinant et peignant des légendes syriennes et arabes et d’autres événements historiques importants. Et même certains d’entre eux, généralement chrétiens, furent envoyés à Paris pour étudier l’art, comme par exemple Michel Kirché, influencé par l’Impressionnisme qu’il défendit jusqu’à ses derniers jours.

Musée national de Damas

Le Musée national de Damas a été créé en 1956, avec une section spéciale consacrée à l’art contemporain syrien. Au début, cette section d’art était manifestement peu représentative par rapport aux sections archéologiques qui contenaient de nombreux artefacts de valeur, mais rapidement le mouvement artistique surréaliste en Syrie, qui a eu lieu au début des années soixante, a fourni un énorme élan dans la création et la production. Plus tard en 2010, la section d’art contemporain pouvait se vanter de plus de 3000 œuvres d’art modernes et contemporaines.

Si l’art syrien était autrefois de l’Art réaliste, de nombreux artistes ont alors compris que la clé de leur expression se devait d’être « la découverte des complexes occasionnels de leur société » (Bertolt Brecht), et que toutes les nouvelles écoles d’art moderne étaient le meilleur moyen d’exprimer des émotions, et que la peinture doit exprimer la perception personnelle de la réalité et non la réalité elle-même.

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Damas par Michel Kirché

Les arts visuels et plastiques ont commencé à acquérir une identité propre dans les années 1920, inspirés par une nouvelle conviction nationale, qui a été traduite par des peintures historiques et des compositions orientalistes rappelant des héros et des histoires idéalisées de la région et de la culture, avant de commencer à dépeindre davantage le mode de vie, et aussi des scènes particulières de la vie quotidienne syrienne.

L’art syrien a commencé à trouver une reconnaissance certaine pendant les dernières années du Mandat français. Le premier artiste visuel connu et acclamé pourrait être le peintre et architecte Toufik Tarek (1875-1940). En plus de travailler à la restauration du minaret de la mosquée des Omeyyades, Toufik Tarek a peint de magnifiques peintures inspirées de l’histoire de la région, telles que « La Bataille de Hattin », dans laquelle Saladin reprend Jérusalem aux Croisés (le tableau est maintenant exposé en le Palais républicain de Damas).

Toufik Tarek
Toufik Tarek

Il a été rapidement suivi par Abdelwahhab Abou Alsouud (1897-1951), qui, poussé par son père, était censé étudier les sciences des religions au Caire, mais laissa tout tomber pour aller à Paris étudier de Beaux-arts, pour ensuite revenir à Damas ; et Saïd Tahsin (1904-1985), un autodidacte et qui a étudié l’art en lisant des livres qu’il trouvait sous la domination ottomane, – une époque extrêmement difficile pour tout ce qui touchait à l’art et à la culture -, et qui a établi le premier atelier d’art indépendant ouvert au public.

Said Tahsin
Said Tahsin

Si les premiers artistes ont commencé à peindre à Damas, c’est à partir de la célèbre ville d’Alep que les premiers artistes syriens émergents de cette époque sont allés à Rome en Italie pour étudier les beaux-arts. Depuis lors et pendant de nombreuses décennies, les artistes syriens y ont étudié.

Le mouvement a pris de l’ampleur surtout après la fin de la colonisation ottomane pour devenir plus structuré pendant le Protectorat français (1918-1946). Inspirée par le relatif développement de la culture et la curiosité des Européens pour le Moyen-Orient, la première « Visual Art Corporation » a été créée en 1940, qui était la seule organisation officielle (ou à peu près) pour les artistes à l’époque. Après l’indépendance du pays, de nombreuses organisations indépendantes (corporations, collectifs, groupes, etc.) sont nées, et même l’Etat a organisé une exposition avec un concours de peinture, qui, par la suite, est devenue annuel.

La période la plus importante de l’évolution artistique précoce en Syrie a été entre 1955 et 1965. Au début, cela a été la création du ministère de la Culture en 1958, puis l’apparition de galeries d’art :

La première galerie d’art a été inaugurée le 20 octobre 1960 sous les auspices de l’artiste Mohamad Daadouch et sous le nom de « International Modern Art Gallery ». Il s’agissait d’une maison divisée en 6 salles disposées autour d’un salon spacieux pouvant accueillir 200 visiteurs en même temps, mais la plupart du temps, les événements d’ouverture et les vernissages accueillaient de 800 à 1 000 visiteurs.

International Modern Art Gallery, 1960

Ce jour-là, Colette Khouri, célèbre écrivaine syrienne, a déclaré : « Je peux voir mon pays danser ; je peux voir la vie palpitante à l’intérieur de ces peintures merveilleuses. »

Ceci a été le véritable commencement de la transformation de l’art syrien et l’adoption du chemin coutumier vers l’art moderne.

1) Artist Mohamad Daadouch - 2) Colette Khouri assisting in a conference at the gallery
1) L’artiste Mohamad Daadouch – 2) Colette Khouri assistant à une conférence à la galerie

Cette étape a été une étape énorme, en effet, parce que ce n’était pas seulement une occasion de présenter les artistes syriens, mais aussi d’initier des échanges avec des artistes appartenant à la scène artistique internationale. Avant la création de la première faculté des Beaux-arts de Damas en 1961, l’étude des arts se faisait exclusivement en Europe, et plus particulièrement à Rome, en Italie, qui n’était pas seulement une ville merveilleuse jouissant d’une riche histoire, mais aussi l’une des villes les plus branchées et les plus connectées dans le monde, et aussi la capitale de toutes sortes d’opportunités artistiques et culturelles. A cette époque, c’est surtout le gouvernement lui-même qui envoyait les artistes syriens à Rome.

Pour la scène artistique syrienne, la Rome des années 1960 a non seulement joué le rôle d’une salle d’exposition, mais aussi d’une galerie, d’un centre culturel et même d’une maison d’édition. Des conférences, des salons, des discussions, des rencontres, des concerts, des récitals et des lectures de poésie ont eu lieu là-bas, et il y avait même un endroit dédié pour célébrer le mariage des artistes. Un autre aspect important était aussi l’exportation de l’art syrien à l’extérieur du pays pour des expositions tenues à Rome, comme cela se faisait, par ailleurs, habituellement à Moscou.

Le 20 avril 1961, ils organisèrent un concours intitulé « Miss Inspiration Artistique ». Hala Al Midani, la jeune syrienne lauréate ce concours, a eu l’opportunité de se déplacer dans toutes les grandes villes syriennes pour y être peinte par de jeunes artistes talentueux, chacun à sa façon. Une exposition finale a été organisée, mettant en vedette les 50 meilleures peintures représentant la jeune femme.

Une quarantaine d’artistes syriens sont revenus de Rome après avoir terminé leurs études en Beaux-arts et ont commencé à travailler en Syrie, et plus particulièrement à Damas. Certains d’entre eux étaient distinctement brillants et leurs noms demeurent aujourd’hui une référence, tels que Louay Kayyali, Adham Ismail, Fateh Moudaress, Nazir Nabaa et Nazir Choura.

1) Election de “Miss Inspiration” – 2) Artistes peignant la lauréate

Durant la même période des années 1960, la première institution pour l’enseignement de l’art a été créée : l’Institut des Beaux-arts qui est devenu 2 ans plus tard une faculté appartenant à l’Université de Damas. La Faculté des Beaux-arts a donné un certain nombre de noms très importants, tels qu’Asaad Arabi, Sakher Farzat et Faek Dahdouh.

Selon les souvenirs de certains artistes, malgré l’instabilité politique existant durant la fin de l’union entre la Syrie et l’Egypte (pendant 3 ans), toutes les discussions et conférences qui s’y sont déroulées ont toujours été exclusivement axées sur l’art et sur les questions sociales, et jamais sur des sujets politiques.

Le frère de Mohamad Daadouch, Mahamoud Daadouch, a établi à Damas, dans la rue Tajhiz, une autre galerie en 1968 nommée « Ornina Modern Art Gallery », mais a déménagé dans de nombreux endroits différents à Damas, avant de tout fermer et d’ouvrir une galerie du même nom près de Rome en 1985.

Pour donner une idée de la personnalité et de la manière de penser des artistes de cette période, trois artistes parmi eux représentent particulièrement l’identité de l’art contemporain syrien :

1) Autoportrait  – 2) “Then what?” par Louay Kayyali                                                   

Louay Kayyali (1934-1978) : l’artiste de la douleur silencieuse ou le peintre de la noble tristesse. Il avait l’habitude de « peindre l’âme ». Quand nous parlons de folie et d’art, Louay Kayyali est l’exemple syrien. Ce merveilleux peintre, né à Alep, était tellement sensible qu’il pouvait être profondément affecté par quelque brutalité de la vie que ce soit. Il était connu pour être gentil, mais capable de se comporter comme un monstre critiquant les autres, de quitter une conférence subitement au milieu de son discours, ou pis encore, de détruire ses propres œuvres, comme il l’a fait avec une exposition entière en 1967, parce qu’il était déçu des événements politiques dans la région. Kayyali est décédé à la suite d’un incendie dans son atelier, presque à l’unanimité, les gens ont pensé qu’il y a mis le feu par lui-même, il avait 44 ans. Au cours de sa carrière artistique, Louay a assumé « le refus de la condition sociale donnée » et a perfectionné l’émotion et les états d’esprit dans ses portraits. Un regard sur sa peinture prophétique « Then What? » de 1965 suffit pour comprendre son profond désir d’exprimer les émotions.

Nazir Nabaa

Nazir Nabaa (1938-2016) : créateur de couleurs, « Le Maître », parce qu’il était professeur d’arts visuels à la Faculté des Beaux-arts de Damas et un véritable père spirituel pour tous les artistes. Quand il est décédé récemment en 2016, nous avons vu les médias sociaux globalement submergés par des photos de lui et de ses œuvres d’art, postés par tous ses étudiants et les gens qui le connaissaient; ils écrivirent avec émotion : « Adieu, cher professeur ». Nabaa était extrêmement préoccupé par toutes les questions politiques dans le monde arabe et il a exprimé ses préoccupations dans ses peintures : la Palestine, les guerres de l’Irak, son exposition intitulée « Citées Brûlées » sur Bagdad après la première guerre du Golfe.

Nazir Nabaa, “Visage de Feu”

Mais nous nous souviendrons toujours de lui comme d’un amoureux de Damas, il a enlacé sa ville natale avec chacun de ses tableaux, quelqu’un a même écrit « Quand vous regardez une de ses peintures sur Damas, la ville se révèle à vos yeux de la façon dont vous aimez la voir. » Il a peint les femmes syriennes comme personne d’autre avant lui et comme personne ne le fera jamais, en montrant, à côté de leur frappante beauté, une touche indubitable de traditions syriennes.

1) « La Bête et le Peuple »  –  2) « La Cène » par Fateh Al Moudaress          

Fateh Al Moudaress (1922-1999) : peintre, musicien, écrivain et poète, il était le leader du mouvement d’Art moderne en Syrie. Initialement autodidacte, Al Moudarres a étudié plus tard à l’Accademia di Belle Arti à Rome, où il a été influencé par le Surréalisme. Il est considéré comme l’artiste le plus renommé et distingué parmi tous, et celui qui a été capable d’exporter l’art syrien en dehors de la Syrie (il a vendu environ 300 œuvres en Europe en quelques années).

Nous pouvons toucher l’âme d’Al Moudaress en lisant sa poésie :

« Les regards tombent aussi
Comme les feuilles d’automne
Comme le sifflet d’un enfant dans la rue
Comme un parfum disparu
La fin. Et la vie toujours peut être renouvelée. »

« Je mets une couleur sur une couleur
Alors je m’arrête pour sentir
Les linéaments de demain
Il n’y a pas de fenêtre dans le ciel
C’est un mur mort … »

Certains disaient d’Al Moudaress qu’il était comme Salomon, « il parle aux fleurs et aux insectes dans la nature ». En réalité, il était tout simplement un artiste véritable qui trouvait inspiration partout, surtout dans la nature, mais aussi dans sa propre vie et dans sa dure enfance d’orphelin, qui a grandi dans la pauvreté, ce qui l’a aussi amené à peindre et à dessiner des scènes de martyre, de crucifixion et de décès.

Michel Kirché
Michel Kirché

Il est difficile de présenter tous les artistes de cette époque si prospère, mais nous ne pouvons ignorer Michel Kirché (1900-1973), le parrain, le défenseur de l’Impressionnisme. Pour lui, toutes les nouvelles directions de l’expression artistique étaient vaines et inutiles, mais il était toujours curieux des créations des « nouvelles » générations, et toujours prêt à assister aux nombreuses expositions à la mode, pour donner son avis, entouré d’un essaim d’étudiants et de belles filles.

Said Makhlouf (1925-2000) : sculpteur de l’héritage culturel syrien et premier sculpteur réellement contemporain en Syrie. Après une longue période de magnifiques sculptures en bois d’olivier influencées par sa ville natale sur la côte méditerranéenne, il a commencé à créer des sculptures modernistes en pierre et ensuite en marbre.

Sculpteur Said Makhlouf – Sculptures par Said Makhlouf

Adham Ismail (1922-1963) : étudiant en Droit qui a tout laissé tomber pour étudier l’art et qui a obtenu son diplôme en 1951 (12 ans avant sa mort à Damas). L’une de ses plus remarquables peintures a été « Les réfugiés »; c’est un sentiment étrange de voir combien cette peinture est d’actualité aujourd’hui. Dans la partie inférieure de la composition se trouve une femme qui console un homme affaibli, peut-être son mari. Alors qu’elle s’agenouille pour la soigner, elle tient aussi un petit enfant, qui semble angoissé. Un adolescent se tient derrière eux, regardant au loin l’image distante d’un village qui est représenté dans le crépuscule. Comme les nuages ​​passent et les étoiles voilent ses rues, on en déduit que le village est en fait la vision de l’ancienne maison de la famille. La rue principale du village mène vers le premier plan, cependant vers une autre apparition, celle d’un grand espace ouvert qu’ils ont également laissé derrière eux. Tout ce qui reste de leur ancienne vie sont les rares biens avec lesquels ils voyagent, leur destination étant inconnue. La narration picturale d’Adham élucide le déplacement des Palestiniens après la Nakba en 1948, ce qui en fait l’une des représentations les plus explicitement détaillées de leur situation désespérée.

"The refugees", Adham Ismail
« Les Réfugiés », Adham Ismail
Elias Zayat, « Après le Déluge »

Elias Zayat (1935) : il a renouvelé l’art des icônes chrétiennes orthodoxes, qui a été créé par ses ancêtres, et plus précisément San Luca qui a propagé cet art religieux dans le monde. Il a étudié à Sofia, au Caire et à Budapest, et son œuvre reste intimement liée à l’histoire, à la  terre et à la psyché de son pays, comme sa dernière exposition « Après le Déluge » sur Palmyre récemment dévastée par ISIS.

Nazir Choura (1919-1992) : un amoureux de la nature et de sa ville natale de Damas. Le fait que Nazir ait été aussi musicien a rendu les lignes de ses tableaux plus mélodieuses; il a été l’un de ces artistes qui pensait qu’une peinture doit posséder suffisamment de beauté pour caresser les yeux et l’âme des spectateurs.

Nazir Choura

Il a créé la « Société des Amateurs d’Art » avec son collègue impressionniste Michel Kirché en 1951, après avoir inauguré le centre artistique damascène l’« Atelier Veronese » avec le peintre Mahmoud Hammad une décennie auparavant.

Nous pouvons mieux comprendre l’esprit artistique de cette période en lisant le « Manifeste des Artistes » écrit en 1962 : « L’art est une humanité transparente liée à la 4ème dimension de l’existence. » (Voir annexe*)

Pendant la période 1970 à 2000, tous ces artistes ont continué à créer au fil de ces années, mais cependant les arts plastiques et visuels ont commencé à devenir secondaires.

Dans le régime socialiste classique de cette période de l’histoire syrienne, les arts sont soutenus par le gouvernement, mais seulement comme un aspect culturel placé sous son contrôle. L’éducation était une question importante et était gratuite pour tous, mais il y avait des priorités à respecter : les intérêts nationaux arabes dans les conflits politiques et militaires au Moyen-Orient. S’il y avait d’énormes avantages aux niveaux de l’éducation et des droits des femmes, toute la période, en particulier les années 1980, était extrêmement incertaine et équivoque. Bien que de nombreux artistes remarquables soient apparus à cette époque, certains d’entre eux ont décidé de partir, pour trouver un terreau meilleur et plus fertile pour leur art, en particulier vers l’Europe. C’est ce que nous pourrions appeler « la Diaspora artistique choisie ».

A titre d’exemples :

Asaad Arabi

Asaad Arabi : né en 1941, il est diplômé de la Faculté des Beaux-arts de l’Université de Damas avant de s’installer à Paris en 1975, où il obtient un diplôme en Science Picturale de l’Institut Supérieur des Beaux-arts, et obtient ensuite un doctorat en Esthétique de l’Université de la Sorbonne. Asaad a renouvelé l’esthétique de l’art islamique dans sa période d’abstraction géométrique dans les années 1980.

"Zenobia”, Boutros Romhein
« Zénobie »,Boutros Romhein

Boutros Romhein : né en 1949 dans le sud de la Syrie, il a créé sa première sculpture à l’âge de 16 ans, a rapidement acquis une réputation de sculpteur à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, avant de s’installer à Carrare en Italie, la Mecque du Marbre Blanc. Boutros est devenu aussi une personnalité distinguée de la scène artistique italienne, aussi à travers son école internationale de sculpture « Arco Art ».

« Le Drap de Lit », Marwan, 1971 – 1972

Marwan Kassab Bachi (connu sous le pseudonyme de Marwan) (1934-2016) : est arrivé à Berlin en 1960 et a passé le reste de sa vie en Europe. Il a vu l’Allemagne et l’Europe divisées en deux camps, puis la chute du mur de Berlin, mais à travers ses peintures, il a entretenu une relation étroite avec la Syrie et le monde arabe. Son art s’inscrit profondément dans la tradition de la philosophie Soufie,  l’ancienne « sagesse du cœur » orientale qui met l’accent sur le lien du cœur, de l’âme et de l’esprit dans l’Unité de l’Être.

D’autres artistes ne pouvaient pas, pour diverses raisons, quitter leur terre natale, – les origines de leur inspiration artistique -, et ont développé ainsi leur art à l’intérieur du pays, mais en l’exportant vers les pays arabes et européens.

On peut citer :

– Ghassan Jedid : né à Arwad en 1946 (l’île syrienne isolée devant la côte syrienne), il peint des villes comme s’il les rêvait, des fenêtres pleines de couleurs ouvertes sur une vastitude d’espaces et de possibilités.

Ghassan Jedid

– Mustafa Ali : né à Ugarit en 1956 et vivant à Damas, il est renommé pour ses sculptures élégantes et monumentales en bois ou en bronze, sculptures qui transpercent la conscience et soulignent la fragilité de l’humanité. Il avait l’habitude de dire : « Damas est dans mon cœur et je vis au cœur de l’Histoire ».

Mustafa Ali
Mustafa Ali

Certains des artistes syriens ont eu l’occasion d’étudier en Europe et de retourner en Syrie, mais beaucoup d’entre eux ont étudié en Union soviétique et en Europe de l’Est, ce qui était plus facile en fonction des bonnes relations de ces États avec le gouvernement syrien, et les
échanges culturels impliqués.

– Edward Shahda et Nizar Sabour, professeurs à la Faculté des Beaux-arts de Damas, ont tout deux étudié à Moscou, en Russie.

Nihad Al Turk
Nihad Al Turk

Mais en réalité, la plupart des artistes syriens ont continué à étudier en Syrie et ont produit de merveilleuses œuvres d’art, comme Asaad Ferzat, Yasser Hammoud et Ahmad Moualla, alors que beaucoup d’entre eux étaient des autodidactes, tels que les artistes Nasser Nassan Agha et Haitham Shakkour.

Expressionnisme et Symbolisme ont été les mots-clés de cette période. Les problèmes politiques des années 1980, qui ont débouché sur le violent conflit entre le régime politique et les « Frères musulmans » et le renforcement du contrôle et de la sécurité internes, suivis du sévère isolement du pays au début des années 1990, ont influencé la perception des êtres humains dans l’art syrien.

Saad Yagan
Saad Yagan

Ces conditions sociales et politiques étaient traduites et représentées par la déformation des corps et la discordance entre la tête et le corps, – les têtes surchargées de pensées et les épaules incapables de supporter la lourdeur des émotions.

D’autres artistes, tels que Safwan Dahoul traduisent la clarté des rues en des représentations singulières en blanc et noir, tandis que Nihad Al Turk fait disparaître tous les détails pour dessiner des silhouettes atypiques, la plupart du temps dans des couleurs sombres. L’expression artistique de Saad Yagan, inspirée par Francis Bacon, est l’une des plus représentatives de la psychologie de la société, mais reste universelle, car elle exprime la joie, la dépression, la solitude et même les désirs sexuels.

Safwan Dahoul
Safwan Dahoul

Après 2000, l’arrivée du nouveau « leader » du pays marque cette période. En tant que jeune médecin, il avait la réputation d’être ouvert d’esprit et habitué à la culture européenne. Si le « Printemps politique » de Damas n’a pas duré, malheureusement, plus d’un an, les
« Printemps artistiques et économiques » étaient maintenant une réalité : les réformes économiques ouvraient de nouvelles possibilités. C’était un véritable bouleversement : l’établissement de nouvelles facultés des Beaux-arts et des arts appliqués s’est fait dans différentes villes, telles que Souaida, Lattakié et Alep.

Mustafa Ali gallery and showroom
Galerie et Showroom Mustafa Ali
Opera of Damascus
Opéra de Damas

L’Opéra a ouvert ses portes en 2004 et Damas est devenue la « Capitale Arabe de la Culture » en 2008. L’art syrien a été représenté dans la plupart des événements internationaux importants comme, par exemple, la Biennale de Venise en Italie. Les anciennes villes de Damas et d’Alep ont commencé à devenir les centres de tous les paradis créatifs : des ateliers d’artistes, des salles d’exposition et des galeries d’art commerciales ont commencé à s’ouvrir en grand nombre. A titre d’exemple : la Galerie Kozah et la Galerie et Showroom Mustafa Ali à Damas, et aussi la Galerie Le Pont à Alep ouverte par le photographe Issa Touma.

Celebration of “Damascus : Arab Capital of Culture", 2004
Célébration de « Damas : Capitale Arabe de la Culture », 2004

Des galeries ont commencé à s’ouvrir partout, non seulement à Damas, mais aussi à Alep, Lattakié, Homs et dans beaucoup d’autres villes. Cette évolution du marché de l’art a coïncidé avec la découverte des arts dans les pays riches du Golfe Persique, de meilleures relations avec l’Europe durant quelques années, ainsi qu’une croissance accrue du tourisme (les relations restant cependant restreintes des raisons politiques, malgré pourtant la richesse culturelle de la Syrie et la baisse du coût de la vie).

Le soulèvement commercial : les artistes syriens n’ont probablement pas été évalués à leur véritable valeur marchande, voire même, il se pourrait qu’ils aient été abusés. Après 2006, avec la croissance de l’art en tant qu’actif financier pour de nouvelles sources de marché, les ventes d’œuvres d’art syrien dans le pays ou la région elle-même, ont été évaluée à env. 25 millions de dollars.

Khaled Samawi, un professionnel du marché de l’art établi autrefois en Angleterre et en Suisse, est retourné en Syrie pour y ouvrir la Galerie Ayyam. Il dit : « Un artiste qui ne vend pas est un artiste raté ».

Bien qu’extrêmement commercial, ce point de vue a permis à de nombreux artistes talentueux de montrer leur travail en Syrie et à l’étranger et de le vendre, ce qui leur a donné l’opportunité d’aller de l’avant avec la création de leur art.

Quelque chose de nouveau est venu dans la scène artistique syrienne : cette nouvelle orientation a permis à l’art syrien d’être non seulement un état d’esprit dans un processus créatif, mais aussi un moyen de gagner de l’argent.

Alors qu’avant les années 1960 une peinture faite par un artiste de renom comme Louay Kayyali coûtait 10 $, après les années 1960, elle a commencé à coûter 200 $. Plus récemment, de jeunes artistes talentueux ont commencé à gagner entre 5 000 et 10 000 $ par mois, ce qui était alors avant la guerre actuelle, une énorme somme d’argent en Syrie.

Le Pont Organization, created by Photographer Issa Touma in Aleppo
Le Pont Organisation, fondée par le photographe Issa Touma à Alep

En 2010, Damas comptait un total de 32 galeries d’art (dont 26 galeries privées), sans mentionner les nombreux showrooms et centres culturels. A Alep il y avait env. 25 galeries d’art établies. Pour un pays arabe, c’est un nombre très important.

Beaucoup d’artistes qui avaient quitté la Syrie dans le passé ont commencé à revenir et à se réinstaller dans leur pays ou à participer à des expositions : nous avons pu voir l’œuvre du renommé Kurde-syrien Bahram Hajou à la Galerie Attassi en 2005, ainsi que l’œuvre du Damascène Youssef Abdelke dont le seul souhait était de créer de nouveau son art dans son pays d’origine (Abdelke a émigré en France après avoir été prisonnier politique pendant 2 ans de 1978 à 1980).

1) Bahram Hajou - 2) Youssef Abdelke
1) Bahram Hajou – 2) Youssef Abdelke

Au cours de cette période, de nouvelles générations d’artistes, fraîchement diplômés de toutes les facultés de Beaux-arts, sont entrés par vagues successives dans la scène artistique.

Nonobstant la tendance commerciale récente des arts, la qualité globale de l’art n’en a nullement été affectée. Au cours de ces 10 années, il y a eu une explosion de talents émergents aux styles très distingués, qui ont insufflé une nouvelle énergie et un nouvel esprit à l’ancienne école d’art syrienne.

On peut citer :

Houmam Al Sayed, Kais Salman, Mohannad Orabi, Khaled Akil, Oussama Diab, Khaled Takreti, Manhal Issa… la liste est très longue. Nous pouvons reconnaître une révolution des couleurs, l’introduction du Pop’art, de l’art numérique et la photographie.

Houmam Al Sayed
Houmam Al Sayed

Il est tout à fait intéressant de constater que cette révolte artistique, – défiant tous les codes de la société moyen-orientale traditionnelle -, s’est produite malgré une pratique religieuse en croissance, par rapport aux décennies précédentes. Il semblait que plusieurs sociétés parallèles coexistaient à la fois : une société très branchée et totalement athée, une société branchée mais encore religieuse (issue pour la plupart de l’ancienne bourgeoisie des grandes villes), et enfin une société rurale très traditionnelle et/ou religieuse (pauvre ou riche).

Khaled Takreti
Khaled Takreti

Cependant, en général, les jeunes générations d’artistes ont commencé à faire entendre leur voix, à créer, à imaginer un avenir brillant à l’intérieur du pays, et non plus seulement dans des pays étrangers, comme cela a pu être le cas avant 2000. Néanmoins, cette créativité était contrôlée par le régime, et quelques lignes rouges sont apparues, en particulier dans les questions de politique interne. Mais on peut affirmer que c’était une période d’innovation et d’espoir, une lente transition vers une plus grande liberté d’expression, et certainement vers un horizon plus large de création pour l’avenir, – pour le moins, c’était le souhait intérieur d’une grande majorité d’artistes syriens.

Oussama Diab
Oussama Diab

Et puis la guerre a éclaté en Syrie en 2011. Comment pouvons-nous la qualifier ? De révolution ? De conspiration étrangère ? De guerre civile ? En fait, aucun de ces termes n’est correct, mais cependant chacun d’eux contient une part de vérité. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une guerre avec toutes ses conséquences : des milliers et des milliers de victimes, la destruction, des millions de réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, des considérations géopolitiques internationales, des manipulations médiatiques de tous côtés, des campagnes de communication et de propagande trompeuses, l’augmentation de l’extrémisme religieux, etc.

Finalement, l’Art et la Culture sont aussi toujours les victimes collatérales des guerres.

Creative hand, Manhal Issa
Main Créative, Manhal Issa

A première vue, – et c’était l’avis de beaucoup de gens -, il semblait que le conflit prendrait rapidement fin. Depuis le tout début cependant, il y avait des différences de positions énormes entre les villes et les régions rurales, et même à l’intérieur de chaque région ou ville. Le peuple syrien a été rapidement divisé, même à l’intérieur de la même famille. Les différences d’opinions et les positions politiques divergentes sur ce qui se passait en 2011 ont causé une dissension et une discorde profondes entre amis, couples, parents et enfants, frères et sœurs. Beaucoup de divorces ont eu lieu en raison de la discordance d’opinions concernant les événements d’alors. La scène artistique a subi la même dichotomie : la division entre intellectuels, écrivains, artistes était abyssale. Ce n’était ni noir ni blanc, ce n’est jamais ainsi ; les opinions vont du noir au blanc, y compris toutes les nuances de gris.

Khaled Akil
Khaled Akil

L’art visuel représentant la soi-disant « révolution » d’une manière rude et directe, – en attaquant directement untel président ou untel chef politique -, était et est avant tout insensé et exagéré, ainsi que la plupart des arts satiriques ou caricaturaux faits de sensationnalisme et d’incitation à la haine, dans cette guerre des médias sociaux, – ce qui continue à être le cas aujourd’hui encore. Bien que ce type d’art puisse également être considéré comme de l’art, il existe toujours une différence radicale entre l’art qui défend et adopte des idées à partir de positions politiques spécifiques, et un type d’art dans lequel les thèmes et les sujets sont choisis pour présenter des impressions partisanes et biaisées sur des événements ou des individus, ce qui peut causer une manipulation à la vérité d’une histoire.

Mais comme il s’est avéré, une image vaut mille mots, peu importe si l’opinion de base est bonne ou mauvaise. Pendant ce temps, de nombreux grands artistes ont montré leurs opinions à travers de merveilleuses œuvres d’art, utilisant les médiums de la peinture, la sculpture, l’art numérique ou la photographie.

Même s’il est essentiellement peintre et artiste conceptuel, Tammam Azzam a utilisé l’art numérique pour exprimer à travers ses images, ses opinions, sa tristesse et sa colère contre les bombardements.

1) Tammam Azzam - 2) Abdullah Omari
1) Tammam Azzam – 2) Abdullah Omari

Dans certaines peintures d’Abdullah Omari, le peintre a montré son point de vue sur le sujet, imaginant quelques dirigeants politiques responsables des guerres, faire la queue pour recevoir leur maigre repas dans un camp de réfugiés.

De façon très subtile, certaines sculptures de Khaled Dawwa représentaient un « chef » obèse et affamé, assis dans sa chaise de pouvoir qu’il n’a pas l’intention de quitter.

Dans certaines œuvres de Kais Salman, on peut voir l’artiste souligner l’extrémisme religieux, dans d’autres il a représenté un membre typique d’ISIS, ou a fait référence à certains dirigeants arabes, tenant fièrement la Coupe du monde dans leurs mains. Kais utilise la satire pour subvertir la normalisation de l’extrémisme idéologique et religieux, qui définit rapidement notre époque, et son influence dans les pays arabes, comme l’une des causes de ce qui se passe en Syrie et aussi globalement dans le monde.

 1) Khaled Dawwa - 2) Kais Salman
1) Khaled Dawwa – 2) Kais Salman

D’autres artistes ont préféré dépeindre leur tristesse devant la division continue de leur pays, en prenant une distance délibérée du domaine politique. A titre d’exemple, on peut citer le jeune et talentueux Omar Shammah dont l’œuvre dépeint ses impressions et émotions en tant que jeune Syrien vivant dans un pays ravagé par la guerre. Dans sa série « Moi », nous reconnaissons sa neutralité à l’égard de sa ville d’origine, Alep, qui est déchirée en deux, à l’image de la situation sur le terrain, dans laquelle la ville est partagée entre les rebelles et l’armée syrienne.

Le sculpteur Nizar Ali Badr recherche ses racines et origines phéniciennes et a trouvé une réponse dans les pierres. Ses pierres racontent la grande tristesse de la Syrie. Badr a choisi de sculpter ses œuvres avec les pierres du mont Saphon, connu sous le nom de Djebel Al Agraa, qui se trouve à une cinquantaine de km de Lattaquié en Syrie. Il a une relation humaine morale avec ses amis les pierres, car seuls ceux qui font partie de la terre des pauvres sentiront leur tristesse.

Badr explique qu’il a incarné les populations syriennes déplacées dans 10 caractères. Il transforme ces pierres en des récits tissés par son imagination, mêlés à l’amertume de la réalité. Ce travail, Badr le considère comme le plus proche de ce qu’il ressent : « C’est le cri des pauvres dans un temps où chaque personne est devenue un simple numéro qui attend la mort ». Pour le sculpteur syrien, les pierres sont des mots à travers lesquels ils racontent des histoires et des récits. « Ces pierres savent crier et leurs voix sont plus fortes que les balles. »

Nizar Ali Badr, "The Refugees"
Nizar Ali Badr, « Les Réfugiés »                                             .
Omar Shammah
Omar Shammah

Ce type de dialectique picturale de transmettre avec subtilité des positions et des émotions est supérieur à tout autre type de narration visuelle flagrante qui ne peut être considéré que comme « art pauvre ». Malheureusement, le grand public semble réagir moins sensiblement à un type d’art sophistiqué qu’à des images qui traitent approximativement et équivoquement d’un sujet donné, en particulier dans les pays arabes.

Les images sont bien plus qu’une simple information; derrière elles, il ya un message, quelque chose qui nous permet de croire et d’être touché.

Rapidement, les artistes syriens ont senti la responsabilité d’exprimer la souffrance de leur peuple; à l’intérieur comme à l’extérieur de la Syrie, ils se sont concentrés sur la guerre et ses conséquences à travers différents thèmes et narrations.

Reem Yassouf

L’enfance en temps de guerre est devenue l’une des thématiques les plus significatives dans les œuvres d’art syriennes depuis les temps récents. S’il est d’une importance capitale pour la plupart des artistes de dénoncer la mort des enfants syriens, d’attirer l’attention sur les enfants assiégés et pris dans le feu croisé des hostilités, leurs conditions de vie désastreuses dans les camps de réfugiés, ainsi que leur situation critique dans le pays déchiré par la guerre.

Les enfants sont l’unique vision de demain, l’espoir ultime pour les nouvelles générations de reconstruire ce qui a été détruit, une façon de croire que tout cela finira bientôt et qu’un avenir meilleur s’ouvrira au peuple syrien.

La thématique de la « citée brûlée » a été utilisée par de nombreux artistes, principalement ceux de la Diaspora, comme une réaction de colère et d’impuissance intense devant ce qui s’est passé : ils ont vu leurs biens, leurs maisons, leurs ateliers d’artiste détruits, bombardés ou occupés par les milices armées. Peindre la destruction de façon réaliste, indépendamment des concepts esthétiques, peut être thérapeutique de tant de façons différentes, pour se défaire, par exemple, de la détresse émotionnelle ou même d’admettre la réalité.

Nasser Nassan Agha, "Aleppo"
Nasser Nassan Agha, « Alep »

La fière et historique Alep est l’une des villes de la Syrie qui a le plus souffert de cette guerre sans fin. Sa destruction a touché le cœur de tous les Syriens, qui ont été dévastés de voir la « Fierté du Nord » perdre des siècles de civilisation en l’espace de quelques années de conflit. Les réactions étaient parfois un mélange entre réalité et souvenirs. Au milieu de ce conflit compliqué, de nombreux artistes ont revendiqué la tolérance et la réconciliation, insistant sur l’unité du peuple syrien et de sa terre, et sur les possibilités d’un dialogue civilisé sans armes, sans violence et sans influences extérieures.

Boutros Al Maari, "Syria is for all of us and you are my brother"
Boutros Al Maari, « La Syrie est à nous tous et tu es mon frère »

De plus en plus, nous assistons à l’essor d’une direction artistique qui insiste sur la culture et les traditions de la Syrie, comme un appel à tous les Syriens à reconsidérer leur pays et leur société d’une manière plus positive ou à réaffirmer leur identité. Soufisme et Derviches tourneurs sont des sujets récurrents pour de nombreux artistes, ces pratiques restent un symbole de spiritualité pacifique et de tradition respectable, et les utiliser est une réponse à la violence et ses prétextes.

Beaucoup d’artistes syriens ont pris leur inspiration artistique dans les légendes de la Syrie, et insisté sur les idoles historiques syriennes et les dieux mythiques. Zénobie, reine de Palmyre, reste une des figures les plus populaires dans la peinture et la sculpture. Zénobie symbolise la femme syrienne moderne et éduquée, capable de faire face au monde et de construire un pays fort. Elle est devenue une icône syrienne et une source d’inspiration pour les Syriens modernes et séculiers et l’idéal d’émancipation pour les femmes arabes.

Badie Jahjah, « Afala Tasmaoun »

Rappelons que la guerre qui dure depuis presque six ans en Syrie a vu une nouvelle génération d’artistes fraîchement diplômés des facultés des Beaux-arts. Comme les jeunes artistes sont à la recherche d’un avenir, beaucoup d’entre eux ont décidé de quitter le pays. Une génération entière de nouveaux talents syriens s’est retrouvée perdue, sans perspective d’un avenir clair, à cause de cette guerre sans fin. Même si nombre d’entre eux peuvent exposer dans certains endroits comme l’Opéra de Damas ou dans certaines galeries d’art ou salles d’exposition (exposition d’Anas Farah dans la Galerie Mustafa Ali, et récemment exposition d’Ammar Khaddour), d’autres ont pris le chemin de l’exil, parfois en tant qu’étudiants et parfois même en tant que réfugiés.

(1) Anas Farah, “Femmes de Syrie” – (2) Elias Naman, “Mémoire de Zénobie”

J’ai rencontré bon nombre d’entre eux : l’Allemagne et les Pays-Bas sont restés leurs destinations préférées parce que ces pays offraient une assistance qualitative aux réfugiés en général et aux artistes en particulier.

Environ 500 000 réfugiés syriens vivent aujourd’hui en Allemagne, à côté des étudiants et de la Diaspora plus âgée, créant ainsi la plus grande communauté syrienne d’Europe (alors qu’en France, par exemple, il n’y a que 10 000 réfugiés syriens).

Berlin est devenu la capitale de l’art syrien en Europe, à côté de Beyrouth au Liban, et de Damas en Syrie, où de nombreux grands artistes travaillent encore, comme Fadi Yazigi, Omran Younes ou Mustafa Ali, qui, à côté de ses sculptures et sa de fondation artistique située dans l’ancienne Ville, a créé « The Place », une association d’art qui aide les jeunes artistes talentueux à saisir leur opportunité dans le domaine de la sculpture.

1) Fadi Yazigi - 2) Omran Younes
1) Fadi Yazigi – 2) Omran Younes

Beyrouth, la ville sœur de Damas, n’est qu’à deux heures de route, malgré de nombreuses difficultés croissantes pour franchir les frontières. Beyrouth est devenue de facto la capitale de la scène artistique syrienne contemporaine depuis le début de la guerre, il y a six ans. Pour de nombreux artistes syriens, Beyrouth est un lieu qui leur permet de renouer avec leur art et d’obtenir un répit de la violence déchirant leur patrie. Presque tous les mois, il y a à Beyrouth une exposition individuelle ou collective d’artistes syriens.

Raghad Mardini, une ingénieure civile canado-syrienne basée à Beyrouth, a fondé l’Art Residence Aley près de Beyrouth en 2012. Son but était d’introduire des jeunes artistes syriens à des organisations, des galeries et des professionnels de l’art de la scène beyrouthine. Non seulement les artistes syriens utilisent la résidence magnifiquement rénovée comme espace de travail, mais leurs œuvres d’art sont également régulièrement présentées dans des expositions.

A Beyrouth, la Galerie Samer Kozah, en collaboration avec Artheum, a lancé la première édition de la « Foire d’Art Contemporain de Syrie à Beyrouth » en 2013, qui est une exposition annuelle complète regroupant plus de 45 artistes syriens contemporains renommés et émergents, dans une variété de styles et techniques.

Les artistes syriens se meuvent au-delà d’une sorte « d’art instantané », comme expression immédiate de la guerre et de l’exil, reflétant un horizon esthétique et politique plus large et émergeant de plusieurs directions. Ils vivent aujourd’hui une expérience douloureuse, mais en suivant une voie de profonde transformation artistique et d’évolution, ils diffusent leurs couleurs vers des horizons différents.

Il existe de nombreux artistes syriens et amateurs d’art en Syrie ou issus de la Diaspora internationale, – comportant des personnes de toutes les classes sociales et de tous milieux socio-économiques et vivant principalement entre l’Europe et le Moyen-Orient -, qui ont créé des communautés telles que notre association à but non lucratif « SYRIA.ART – Association pour la Promotion de l’art Contemporain Syrien », ainsi que notre page connexe « Syria.Art », qui est devenue une sorte d’archives ou encyclopédie pour l’art syrien et les artistes syriens. « SYRIA.ART » est délibérément neutre, a-religieux, apolitique et dénué de toute considération idéologique ou ethnique.

L’émergence des talents syriens et l’extension de la scène artistique syrienne au niveau international sont des faits, mais comment cela peut-il affecter le conflit syrien ? Cette création artistique aura-t-elle un impact sur elle, ou changera-t-elle quelque chose à la destruction ?

Personne n’a la réponse, mais la vérité est la suivante : elle ne pourra pas arrêter la guerre. Un pinceau de peintre ne se tiendra pas face à face à une arme à feu. Cependant, l’art syrien peut participer à la révolution intellectuelle qui est indispensable pour apporter des changements positifs à l’avenir, contre la dictature, mais aussi contre l’extrémisme religieux, les traditions obsolètes et les conséquences résiduelles de la colonisation et des guerres.

Khaled youssef, “Spreading dreams”
Khaled Youssef, “En Semant les Rêves”

Selon le singulier Dasein de l’art contemporain syrien dans les temps actuels, nous croyons, qu’en réunissant tous ces jeunes artistes, nous serions à même de créer une sorte de « supra-communauté » artistique, indépendante de toute considération toxique, et prônant l’amour de l’art et de l’amour de la Syrie. Ceci serait un premier pas de géant pour commencer à faire des changements pour l’avenir du pays. Il se pourrait que l’actuel conflit syrien devienne l’un des pires conflits de ce siècle. Le soulèvement artistique, quant à lui, est une expérience humaine précieuse. C’est une chose qui nous fait croire en l’avenir.

Rappelons les mots suivants du fameux artiste syrien Fateh Al Moudaress : dans les années 1960, alors qu’un journaliste lui demandait : « Qui êtes-vous? », il répondait : « Je suis l’art, je suis le sable de l’Orient qui contient la folie et la sagesse, le sang et les fleurs, je suis la haine du pain quotidien et je suis un désir divin de liberté. Je hais l’injustice partout où elle agit, et considère l’Humanité comme la seule identité et la seule nation possibles. Je crois que l’Art sauvera l’humanité pour construire demain … je suis demain. »


 ANNEXE* :

Le Manifeste des artistes syriens (9 avril 1962)

(Signé: « Mahmoud Daadouch, Fateh Moudaress, Abdel Aziz Aalwan »)

1 - L'art est une humanité transparente liée à la 4ème dimension de l'existence ;

2 - Le rôle de l'art est d'enrichir la culture humaine et d'ajouter plus d'émotions à la vie, avec de petites et grandes pincées créatives ;

3 - L'art véritable est une partie du processus créatif du monde : quand un artiste crée, il vit une dynamique de solitude indépendante des choses matérielles et des effets extérieurs ;

Une trace artistique ne s'arrête pas quand elle rayonne, mais doit continuer à grandir ;

4 - L'art est un mysticisme contemporain : il faut enlever la sécheresse de la peinture en tant que matière, causée par la production industrielle, et lui donner une divinité par le pouvoir de ce qu'elle est capable de faire quand elle est incluse dans la production artistique ;

Chaque matière morte devient aussi divine que la peau humaine quand elle est incluse dans un art créatif ;

Nous ne croyons pas à la mort des choses, mais à leur naissance et à leur mouvement ;

Nous sommes liés à la vie à l'intérieur des murs de la vie, les architectes construisant encore des murs laids qui entravent l'espace de l'Univers ; Nous demandons aux architectes d'assumer leurs responsabilités pour construire un monde qui puisse respirer la beauté, et de suivre notre manifeste ;

5 - Nous croyons que demain sera puissant et spontané pour trouver de nouvelles dimensions et connecter les profondeurs de nos âmes avec l'Univers :

Nous croyons à la supériorité culturelle de l'artiste ;

Nous refusons les symboles ;

Nous suivons Cézanne dans son refus de la réflexion littéraire ;

Nous considérons l'artiste comme une tête perforante dans la machine humaine pour percer le mur du temps ;

L'Humanité adopte la création artistique et travaille à la faire perdurer et grandir ;

6 - L'art et les artistes sont les deux arcs du même cercle ;

7 - Un artiste ne pense pas à la communauté quand il crée parce que la communauté vit en lui :

Nous déplorons les êtres humains qui sont passifs face à l'art, parce que les dimensions universelles sont éclipsées en eux ;

8 - Un artiste est responsable des couleurs, tant physiques que sociales, du rayonnement solaire sur l'endroit où il vit, parce qu'il est une source d'enrichissement de la culture humaine ;

Nous ne pouvons pas pardonner la faute des artistes arabes d'utiliser ces couleurs : jaune, doré et violet ;

9 - La connexion des choses dans la nature doit devenir une union dans le cerveau humain, puis se briser de nouveau et se décomposer, doit pousser l'artiste à garder une brume enfantine lui faisant balancer entre formes et non-formes :

La non-forme est une entité comme la forme qui est totalement acceptée dans une œuvre artistique, et elle est faite de la récurrence d'un mouvement détruisant la récurrence du mouvement précédent, une forme disparaît quand le centre de récurrence est perdu ;

Quand un être humain naît, il comprend la forme d'une manière globale et instinctive, mais quand il grandit, la troisième dimension grandit avec lui aussi, alors il commence à analyser des sujets et refuse de le faire à l'intérieur de la forme, ce qui fait disparaître la forme, et l'être humain peut vivre dans le monde non-formel comme il vit dans la transparence de l'espace de l'Univers ;

10 - Nous considérons la culture artistique, les critiques, la science de la beauté et l'histoire de l'art, comme une partie de la connexion entre l'artiste et son public. Avoir une culture artistique permet à la personne de tester son humanité :

Nous croyons que le rôle des critiques d'art est l'observation de la radiation dans les œuvres d'art ;

Nous sommes désolés pour les critiques d'art qui ne croient pas à l'évolution et ne peuvent pas voir dans une nouvelle œuvre d'art une fenêtre ouverte sur l'avenir ;

11 - Nous consacrons la liberté des êtres humains et plus particulièrement des artistes, car la liberté est l'atmosphère naturelle de l'art :

La liberté est une exigence dans la vie d'un artiste ;

L'esprit révolutionnaire de l'art est une évidence, car chaque œuvre d'art est une position humaine face à l'existence ;

Nous croyons qu'il y a une révolution à l'intérieur de chaque œuvre d'art qui a besoin d'une liberté totale et illimitée ;

Les traditions sont des chaînes et nous sommes libres de les prendre ou de les laisser.